Le plus beau métier

 

Devant une classe apathique

Bâillonnée d'un masque pratique

Anti-Covid dissimulant

Avec peine leurs bâillements

D'ennui et de trop courte nuit

Et les regards absents qui fuient

Sur leur smartphone buissonnier

Je m'évertue à enseigner


Le matin ils dorment encore

Puent la sueur après le sport

L'après-midi ils font la sieste

Plombés par un tacos en leste

Plongés dans l'auto réflexion

L'esprit critique en mode avion

Et l'intellect en mode veille

Même à distance en présentiel


Maigre salaire en fin de mois

Mais tous les deux mois des congés

Et la sécurité d' l'emploi

Font un bien pauvre os à ronger

Pour les privilégiés

Du plus beau des métiers


Magistral en classe inversé

Quand le chasseur se fait chasser

Je suis le trophée de la classe

Accroché au tableau de chasse

D'un auditoir' sourd et muet

De niais pré-pubèr's à muer

Sans participation orale

Ni intérêt pour le travail


Souvent à théâtraliser

Pour tenter de canaliser

Leurs hormones qui se déchaînent

Quand les heures de cours s’enchaînent

Comme une pute à l’abatage

Cent fois j'ai remis mon ouvrage

Sur le métier à ressasser

Jusqu'à ce que j'en aie assez


Grand-frèr' j'avais en débutant

Juste le double de leur âge

Grand-pèr' j'aurai en terminant

Largué près de six fois leur âge

Si chanceux d'avoir fait

Le plus beau des métiers


Tout seul en scène sur l'estrade

La gestuelle pour parade

Au désintérêt Jeu de rôle

Je prêche la bonne parole

Comme Jésus dans le désert

Éducatif À quoi je sers ?

Ce sentiment de solitude

On n'en prend jamais l'habitude


Collège lycée fac licence

Master concours – que par malchance

J'ai eu – je n'ai (et m'en désole)

Jamais vraiment quitté l'école

Quarant'-cinq ans à enseigner

Toute un' carrière à corriger

Leurs conneries dans des copies

Aux not's allant de mal en pis


À voix basse des discussions

Que seul' la sonnerie ranime

La sall' des profs fait réunion

Des Anxiolytiqu's Anonymes

Pas très convaincus de faire

Le plus beau métier sur terre


Combien de milliers de bull'tins

De conseils de classes pour rien

De devoirs corrigés sans droit

À évolution comme il doit

Une carrière à ressasser

Au même public C'est assez !

Mais null' réorientation

Aux forçats de l'éducation


Alors pour trépasser le temps

Je décompte mentalement

Les minut's avant sonnerie

Les heures jusqu'à vendredi

Les semain's avant les congés

Les mois jusqu'à la fin d'année

Et les ans jusqu'à la retraite

À rembourser comme une traite


Le regard trist' désabusé

Cerné déprimé sous cachets

En burn-out las et usé

Mon stylo rouge terminé

Pas très sûr d'avoir fait

Le plus beau des métiers


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